Prix littéraire Externat-Chavagnes : on a rencontré l’auteur de notre livre préféré !
Faustine : Depuis quand écrivez-vous des livres ?
Grégoire Vallancien: D’abord j’étais essentiellement illustrateur : pour la publicité, pour la presse, pour l’édition, notamment de livres pour les plus petits, maternelles et primaires. J’en ai fait beaucoup depuis 30 ans, j’en fait encore d’ailleurs. Parfois je fais les textes de mes albums. Et puis il y a 8, 9 ans, j’ai commencé à écrire des romans dans lesquels il y avait peu de dessin ou pas du tout. Voilà.
Quand avez-vous écrit votre premier roman et de quoi parlait-il ?
Le premier roman était un roman d’aventures, il a été publié il y a 8 ans chez ZTL : “Jules & Sarah. Enquête à Hong-Kong”.
Qu’aimez-vous dans votre métier d’auteur-illustrateur ?
Ce que j’aime dans le dessin, c’est raconter des histoires : le dessin est au service d’un récit. C’est ce que j’aime aussi quand j’écris des romans. Et ce que j’ai toujours voulu faire : raconter des histoires.
Nous allons à présent parler de “L’espoir en bandoulière”. S’agit-il un projet d’écriture personnel que vous avez proposé aux éditions ZTL ou conçu en collaboration avec ZTL ?
C’est un peu une exception : pour ce livre, c’est Sandra Todorovic des éditions ZTL qui m’a suggéré d’écrire quelque chose qui se passerait à Nantes, pendant la seconde guerre mondiale.
A partir de là, j’y ai réfléchi : Nantes a été bombardée à 2 reprises et cela m’a beaucoup intéressé. D’abord parce que c’est un sujet qui est peu utilisé dans la fiction, romans comme films. Pourtant c’est très fort du point de vue de la fiction, car une ville qui est démolie, c’est tous les destins qui sont brisés en un instant. En un quart d’heure, toute la ville s’effondre et la vie de chacun est modifié : celle des héros, comme Suzanne, mais aussi de son frère, même des Allemands, qui ont été pris sous ces bombardements de la même façon.
Et puis c’est quelque chose qui se passe encore aujourd’hui : des villes bombardées il y en a encore à l’heure à laquelle on se parle : en Ukraine, dans la bande de Gaza.
Ecrire pour ZTL, une maison d’édition adaptée aux dyslexiques, a-t-il changé votre manière d’écrire ?
G : – Non, j’écris de la même façon ; il peut y avoir ensuite quelques modifications : corriger ou alléger s’il le faut, adapter un petit peu.
Pourquoi avez-vous illustré vous-même “l’espoir en bandoulière” dont la couverture ?
Mon métier, c’est d’abord illustrateur. Pour L’Espoir en bandoulière, c’est une couverture assez graphique : on voit la ville de Nantes bombardée, le pont transbordeur et Suzanne avec le poing levé et son vélo. Mais on ne sait pas à quoi elle ressemble : chacun peut l’imaginer comme il le veut. Les quelques dessins à l’intérieur du livre sont des objets : un fusil-mitrailleur, des voitures, un vélo …
Est-ce que vous vous êtes rendus à Nantes pour découvrir les lieux de votre histoire ?
J’étais déjà venu à Nantes, mais quand j’ai commencé à écrire le livre, je n’ai pas pu y retourner pour faire un repérage en amont parce que on était au moment du Covid. J’y suis retourné plus tard, le roman étant presque fini, ça m’a permis de pouvoir modifier un certain nombre de choses. En même temps, j’avais beaucoup de documents. Il y a énormément de description de bombardement, de la ville.
Le réseau de résistance de Suzanne est-ce un vrai réseau de résistance ?
Comme Colette est juive et polonaise, son ami médecin, on peut penser aux Francs-Tireurs Partisans, un réseau de résistance proche des syndicats et du Parti communiste. Ce n’est pas précisé dans le roman : c’est la résistance en général. Nantes n’est pas un haut lieu de la Résistance : il n’y avait pas énormément de mouvements de résistance connus.
Y a-t-il des personnages inspirés de personnes réelles ?
Des actions comme ça, il y en a eu plein. Des résistants qui avaient 15-16 ans, il y en a eu un certain nombre, dont Guy Moquet, que j’évoque dans le livre. C’est peut-être un peu anachronique car je ne pense pas que les Français aient su l’histoire de Guy Moquet au moment où ça s’est produit. Là, j’en parle comme si c’était un événement dont elle pouvait être au courant car c’est intéressant puisque qu’il a le même âge qu’elle. Des jeunes garçons de 17-18 ans qui ont préféré entrer dans la milice, c’est-à-dire au service de l’occupant, il y en a eu évidemment. Des gens qui ont eu une action de résistance moins organisée, plus personnelle, discrète, comme c’est le cas de sa tante Michelle, qui ont caché des enfants juifs, ça a existé aussi. Je les rassemble dans la même famille pour que ce soit plus romanesque mais ça correspond à des destins qui ont vraiment existé, des vies et des choix. Comment est-ce qu’on fait dans le cas où on est occupé ? Est ce qu’on collabore ? Est ce qu’on résiste ? Comment on résiste ?
Comment avez-vous inventé le personnage de Suzanne ?
C’était le personnage principal, à partir duquel tout autour devait s’organiser. Ça aurait pu être un garçon, c’est une fille, je ne sais pas pourquoi en fait. Il fallait qu’elle ait 15 ans, je voulais que son temps personnel, c’est-à-dire ses anniversaires importants, se cale sur le temps de la guerre. Après je lui ai organisé toute la famille qui allait autour. C’est par la suite que j’ai donné un peu d’épaisseur au personnage. Au début, c’était peut-être un peu des stéréotypes dont j’avais besoin et puis après on écrit un roman, on les confronte à des situations, on voit comment ils réagissent, comment elle s’engueule avec son frère par exemple. A ce moment-là, les personnages prennent une véritable existence.
Pourquoi avez-vous choisi qu’elle ait la particularité d’avoir un pied bot ?
Je me souviens plus exactement pourquoi elle a un handicap comme ça, je trouvais ça intéressant que ça ne l’empêche de rien, elle le dépasse. Elle le dit, elle ne se sent certainement pas handicapée. En tout cas, ce n’était pas l’idée principale, mais si pour finir c’est comme ça que les Allemands arrivent à la retrouve.
Comment travaillez-vous au quotidien en tant qu’auteur ou illustrateur ?
A peu près comme n’importe qui : 5, 6h de travail par jour. Pour moi ce n’est pas un problème d’inspiration. Je peux faire des affiches, des romans, illustrer des livres pour enfants, je fais tout ça en même temps. On repose son travail, on le relit, généralement on est assez déçu, on regarde ses dessins, généralement on les trouve un peu ratés, et on s’y remet pour améliorer. C’est un chemin qui se fait en faisant plusieurs choses en même temps, en profitant du recul.